Les fongicides sont utilisés pour maîtriser ou réprimer des maladies dans les grandes cultures et les cultures horticoles. Les plantes peuvent être atteintes de maladies fongiques, bactériennes ou virales; toutefois, les fongicides sont efficaces seulement contre les maladies fongiques. Une infection fongique survient lorsque des spores de champignon germent et pénètrent dans une plante. Le champignon se développe alors sur la plante et à l’intérieur des tissus de la plante et peut se reproduire et disséminer des spores qui peuvent produire des infections secondaires (figure 1).
Des spores de champignon germent sur la surface d’une feuille.
Pour qu’un n infecte une culture, trois choses doivent être simultanément présentes : le champignon (l’agent pathogène), un hôte (la culture) et un environnement favorable (figure 2).
Figure 2. Le triangle de la maladie montre comment un agent pathogène, un hôte et des conditions favorables doivent tous être présents pour qu’une infection survienne.
Les rotations de cultures, la résistance génétique, la gestion des résidus de culture, la densité de population, la gestion des mauvaises herbes, la gestion de l’irrigation font partie d’un programme de lutte intégrée qui aide à réduire l’incidence des maladies fongiques en éliminant les cultures sensibles, en modifiant l’environnement ou en réduisant les populations futures d’agents pathogènes. Les fongicides sont un autre outil qui aide à protéger les cultures des maladies fongiques. Ils peuvent prévenir ou réduire les infections de différentes manières, comme il est expliqué ci-dessous.
Fongicides de surface (ou de contact) ou fongicides systémiques
Les fongicides de surface, qui sont aussi appelés fongicides à action préventive ou fongicides de contact, agissent sur la surface des feuilles en prévenant la germination des spores ou leur pénétration dans les feuilles. Ces fongicides doivent être soigneusement appliqués puisqu’une couverture complète du feuillage est essentielle pour assurer l’efficacité du traitement.
Les fongicides systémiques, aussi appelés fongicides pénétrants, sont absorbés à l’intérieur de la plante et peuvent avoir une action locale ou être véhiculés dans toute la plante. Les fongicides systémiques peuvent avoir une action préventive et curative.
Action préventive ou curative
Les fongicides à action préventive empêchent les champignons d’infecter les plantes. Les fongicides à action curative peuvent pénétrer dans la plante pour stopper le développement de la maladie après une infection. Les fongicides à action curative aident à prévenir les lésions et la production d’organes de fructification et de spores afin de prévenir les infections secondaires. Les fongicides ne peuvent pas réparer les tissus endommagés par une infection fongique; c’est pourquoi ils doivent être employés avant qu’une infection grave se produise.
Modes d’action communs
Les fongicides sont classés selon le système de classification suivant :
- Mode d’action
- Groupe
- Famille chimique
- Nom commun
Le mode d’action, qui indique le processus physiologique du champignon qui est inhibé par le fongicide, est désigné par une lettre. Le groupe décrit le site cible du fongicide dans le champignon. Les fongicides peuvent avoir le même mode d’action, mais des sites cibles différents. Par exemple, les inhibiteurs de la déméthylation et les amines peuvent tous les deux inhiber la synthèse des stérols, mais à des endroits différents. Les champignons qui sont résistants à un fongicide sont généralement résistants à tous les autres fongicides du même groupe; c’est ce que l’on appelle la résistance croisée. La famille chimique englobe des molécules ayant une structure semblable alors que le nom commun est synonyme de matière active1.
Figure 3. Classification du prothioconazole.
Il existe 13 classes de modes d’action. Les modes d’action les plus communs sont les inhibiteurs de la respiration (C) et les inhibiteurs de la synthèse des stérols (G). Les modes d’action multisites (M) et les agents biologiques multisites (BM) sont d’autres modes d’action de fongicides dont l’usage est très répandu. Parmi les inhibiteurs de la respiration, ceux des groupes 7 et 11 sont les plus utilisés. Les fongicides du groupe 29 sont également des inhibiteurs de la respiration, mais ils ont un site cible différent. Parmi les inhibiteurs de la synthèse des stérols, ceux du groupe 3 sont les plus utilisés.
Inhibiteurs de la respiration (C)
Groupe 7 - Inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI)
Les SDHI ont un spectre d’activité plus étroit que les autres fongicides et sont très efficaces contre les agents pathogènes qu’ils ciblent. Ils ont aussi une activité résiduelle plus longue que les fongicides des autres groupes. Ils sont tous systémiques, mais certains se déplacent peu dans la plante et ont une activité locale seulement. Les fongicides SDHI sont généralement préventifs et l’activité principale du fongicide consiste à prévenir la germination des spores à la surface des feuilles (figure 4). Ils peuvent également avoir des propriétés curatives et améliorer la santé et la verdeur des cultures. Ils inhibent la respiration cellulaire et la production d’énergie des champignons. L’enzyme cible est la succinate déshydrogénase.
Figure 4. Blanc ou oïdium de la vigne (Erysiphe necator). À gauche: non traité. À droite : traité avec du fluopyram.
Le groupe des SDHI comprend dix familles chimiques. Toutes les molécules de ce groupe possèdent un groupe benzamide, un groupe amide ou un groupe carboxamide. Les fongicides qui possèdent un groupe carboxamide ont généralement un effet de verdissement plus prononcé que les autres fongicides du groupe SDHI. Les fongicides de la famille des carboxamides comprennent le benzovindiflupyr, le bixafènen, le fluxapyroxade, le penflufène, le penthiopyrade, le boscalide et le pydiflumetofène.
Les SDHI présentent un risque modéré à élevé de développement de la résistance. Ces fongicides devraient être utilisés tôt dans le cycle de la maladie, au moment où ils ont une efficacité maximale. L’emploi de ces fongicides pour leurs propriétés curatives peut accroître le risque de résistance dans les populations de champignons. Utilisez la dose recommandée sur l’étiquette, car l’utilisation répétitive de doses plus faibles peut accroître la pression de sélection et le risque de développement de la résistance. Le mélange en cuve de différents fongicides homologués contre le champignon ciblé, aux doses recommandées pour chacun des fongicides, peut aider à réduire la pression de sélection et le risque de développement de la résistance aux SDHI. Les cultures de céréales et soya ne devraient jamais être traitées avec des SDHI plus de deux fois par année. Lorsque plusieurs traitements sont nécessaires, il est recommandé d’utiliser des fongicides appartenant à différents groupes en mélange ou en alternance afin de réduire la pression de sélection et exercée par le fongicide SDHI. Pour de plus amples renseignements, consultez les recommandations propres à chaque culture émises par le FRAC1 (en anglais seulement).
Groupe 11- Inhibiteurs de la quinone extérieure (QoI)
Le groupe des QoI comprend des fongicides préventifs à large spectre qui ont une activité curative limitée ou inexistante. Leur mobilité dans la plante varie : certains ne sont que déplacent que dans la feuille alors que d’autres se déplacement par systémie ascendante dans le xylème. Les strobilurines sont les QoI les plus utilisés. Certaines des molécules de cette famille, y compris la trifloxystrobine, ont la particularité d'être redistribuées dans le couvert végétal en phase gazeuse. Comme ces molécules ont une affinité pour les surfaces cireuses, elles peuvent donc adhérer aux tissus mal recouverts lors du traitement.
Les QoI perturbent les processus de production d'énergie du champignon et préviennent ainsi la germination des spores sur la surface des feuilles (figure 5).
Figure 5. Croissance des spores de champignon sur la surface d’une feuille (à gauche) et spores traitées avec de la trifloxystrobine (à droite).
Les QoI peuvent également provoquer des réactions physiologiques dans la plante qui contribuent à améliorer la santé de la plante. Ces réactions physiologiques comprennent l’inhibition de la production d’éthylène par la plante, une meilleure utilisation des ressources limitées et la lignification des parois cellulaires. L’inhibition de l’éthylène ralentit les réactions au stress de la plante, ce qui favorise la synthèse de la chlorophylle et produit un effet de verdissement (figure 6). En outre, la production réduite d’éthylène ralentit également le processus de sénescence lorsque la plante arrive à maturité, lui permettant de demeurer verte plus longtemps.
Figure 6. Effet de verdissement des fongicides du groupe des QoI dans du soya exposé à un stress hydrique. Photo prise au stade R6.
Le ralentissement des réactions au stress peut également retarder le flétrissement de la plante et accélérer son rétablissement lorsqu’elle est arrosée après avoir manqué d’eau (figure 7).
Figure 7. La plante 1 est non traitée; la plante 2 est traitée avec un produit contenant de la trifloxystrobine. Les deux plantes sont exposées au même stress hydrique. Les plantes traitées avec des fongicides QoI réagissent plus lentement au stress, ce qui peut retarder le flétrissement lorsque la plante manque d’eau.
*Les fongicides ne remplacent pas les apports d’eau; en outre, lorsque l’eau est très limitée, la culture peut subir des dommages en raison du ralentissement des réactions au stress causée par un fongicide QoI.
Des réactions physiologiques dans la plante peuvent également renforcer les parois cellulaires, ce qui améliore la tenue des plantes. La meilleure utilisation des ressources limités (comme l’azote) peut également contribuer à l’effet de verdissement.
Les fongicides QoI comprennent neuf familles chimiques. La trifloxystrobine, l’azoxystrobine, la fluoxastrobine, la picoxystrobine et la pyraclostrobine sont parmi les molécules de ce groupe les plus utilisées.
Comme les QoI sont efficaces pour prévenir la germination des spores, ils devraient être utilisés tôt dans le cycle de la maladie. Les QoI présentent un risque élevé de développement de la résistance. Dans la mesure du possible, ils devraient être mélangés en cuve avec des fongicides d’autres groupes. Tous les fongicides du mélange devraient être utilisés à la dose qui permet d’obtenir une maîtrise efficace de la maladie ciblée. Évitez les traitements fractionnés ou les traitements répétés à dose réduite. Limitez également le nombre de traitements de fongicides QoI et utilisez-les en alternant avec d’autres fongicides ayant des modes d’action différents si des traitements fongicides additionnels sont nécessaires1.
Pour de plus amples renseignements, consultez les recommandations propres à chaque culture émises par le FRAC (en anglais seulement).
Groupe 29 - Découplant de la phosphorylation oxydative
Les fongicides du groupe 29 comme le fluazinam inhibent la respiration des champignons. Leur cote de risque au développement de la résistance est faible et il n’existe pas de cas de résistance croisée avec d’autres inhibiteurs de la respiration. De ce fait, ils constituent un bon choix pour la gestion de la résistance dans les cultures où ils sont homologués contre la maladie visée1.
Inhibiteurs de la biosynthèse des stérols (G)
Groupe 3 - Inhibiteurs de la déméthylation (IDM)
Les IDM sont des fongicides à large spectre. Ils ont une activité locale ou systémique, qui peut être préventive et curative. Ces fongicides perturbent les membranes cellulaires et les organelles après la germination des spores (figure 8).
Figure 8. Septoriose (Septoria tritici). À gauche : non traité. À droite : traité avec du prothioconazole.
Les triazoles forment la plus grande famille chimique appartenant au groupe des IDM. Le terme « triazole » est parfois utilisé erronément pour décrire l’ensemble des IDM. Le tébuconazole, le propiconazole, le metconazole, le tétraconazole, le flutriafol, le cyproconazole et le difenconazole sont des exemples de triazoles communément utilisés. Les triazolinthiones forment une autre famille chimique appartenant au groupe des IDM. Le prothioconazole est un triazolinthione qui est efficace contre un très large spectre de champignons et a une excellente activité résiduelle. Son action est plus lente parce qu’il pénètre la plante plus lentement que d’autres triazoles comme le tébuconazole et le flutriafol. Le prothioconazole est très mobile dans la plante et se déplace vers le haut de la plante dans le xylème.
Les IDM présentent un risque modéré de développement de la résistance. Les pratiques de gestion optimales contribuent à préserver l’efficacité de ces fongicides. Prenez en considération que le risque de développement de la résistance est particulièrement élevé pour certains agents pathogènes (notmament Alternaria, Botrytis cinerea et Bulmeria graminis), surtout lorsque la pression de maladie est élevée. Dans de tels cas, considérez l’utilisation de fongicides appartenant à différents groupes en alternance ou en mélange. Utilisez les doses indiquées sur les étiquettes et effectuez le traitement au moment recommandé pour bien maîtrise la maladie1.
Activité multisite (M)
Groupes M1 à M12 – Les fongicides du groupe M ont une activité multisite et présentent un risque faible de développement de la résistance. Ce sont des fongicides de contact qui procurent une protection, mais qui n’ont aucune propriété curative. Le cuivre, le mancozèbe et le chlorothalonil sont des exemples de fongicides multisites communément utilisés. Le cuivre fait partie du groupe M1, appelé cuivre inorganique. Le mancozèbe fait partie du groupe M3, appelé dithiocarbamates et autres composés apparentés. Le chlorothalonil appartient au groupe M5, appelé chloronitriles.
Agents biologiques possédant plusieurs modes d’action (BM)
Group BM2 - Les fongicides microbiens comme Bacillus subtilis sont classés dans le groupe BM2, appelé agents microbiens. Ces fongicides constituent une solution de rechange en culture biologique ou pour la gestion de la résistance.
Gestion de la résistance
Réduisez la pression de sélection exercée par les fongicides à mode d’action unique en alternant les groupes de fongicides ou en mélangeant en cuve des fongicides qui ont différents modes d’action et qui sont efficaces contre l’agent pathogène cible. Respectez les recommandations de dosage, le choix du moment du traitement et de l’intervalle entre les traitements qui sont indiqués sur les étiquettes. Les fongicides QoI (groupe 11) et SDHI (groupe 7) présentent un risque plus élevé de développement de la résistance que les fongicides IDM (groupe 3). Prenez également en compte l’agent pathogène. Certains agents pathogènes sont plus sujets à développer une résistance aux fongicides que d’autres. Des recommandations propres à chaque culture, chaque agent pathogène et chaque fongicide sont fournies sur le site Web suivant https://www.frac.info. (en anglais seulement)
Sources:
1 Fungicide Resistance Action Committee. https://www.frac.info. (en anglais seulement).
Avis juridique
La performance peut varier d’un endroit à l’autre et d’une année à l’autre, compte tenu des variations locales des conditions de croissance, de sol et de climat. Dans la mesure du possible, les producteurs devraient évaluer les résultats obtenus à plusieurs endroits et sur plusieurs années et devraient tenir compte des conditions dans leurs propres champs.
Mélanges en cuve : L’utilisateur doit avoir en sa possession les étiquettes de chacun des produits au moment du traitement. Suivre les modes d’emploi indiqués sur les étiquettes, y compris la dose, les précautions et les restrictions de chaque produit utilisé en mélange. Dans ses tests de compatibilité et d’efficacité des mélanges en cuve, Bayer a seulement testé les produits des marques de commerce indiquées et non pas toutes les formulations. Toujours déterminer la compatibilité des produits en mélangeant préalablement de petites quantités proportionnelles. © Groupe Bayer, 2021. Tous droits réservés. 1026_S2_CA