Les produits de maïs modernes ont des besoins élevés en nutriments qui doivent être comblés pour assurer le plein potentiel de rendement de la culture. Pour obtenir de bons rendements en maïs, il est essentiel que le sol soit riche en phosphore (P). Dans le cadre de la fertilisation d’entretien, le P peut être l’un des éléments nutritifs les plus souvent négligés, et il arrive que les apports soient insuffisants pour remplacer ce que la culture prélève. Cependant, cet élément nutritif doit être utilisé avec prudence pour éviter certains problèmes environnementaux, comme l’eutrophisation des plans d’eau. Il est nécessaire de comprendre l’importance du P dans la production de maïs tout au long de la saison et de savoir comment conserver une teneur adéquate dans le sol pour maintenir un potentiel de rendement durable du maïs.

Le rôle du phosphore dans la production de maïs

Les macronutriments, soit l’azote (N), le P et le potassium (K), sont des éléments dont les plantes ont besoin en quantités relativement importantes et qui sont le plus souvent utilisés comme amendement du sol pour favoriser la croissance maximale des cultures. Un volume de 0,4 livre d’acide phosphorique (P2O5) est extrait de chaque boisseau de maïs (7 kg par tonne métrique)1. Le P est souvent négligé dans les applications d’engrais d’entretien, ce qui peut limiter le potentiel de rendement du maïs.

Le P joue de nombreux rôles importants chez les végétaux. Ce nutriment participe à de nombreuses fonctions métaboliques et intervient dans les réactions énergétiques, telles que la photosynthèse et la respiration, en plus de contribuer à maintenir les plantes en santé et vigoureuses. Le P est également nécessaire dans la reproduction des plantes et, donc, dans la production de grains. Un apport adéquat en P se traduit par une plus grande masse racinaire, des tiges plus solides, une culture de meilleure qualité, un champ plus précoce et uniforme et une production de grains plus abondante.

Le phosphore dans le sol

Le P se présente sous différentes formes dans le sol et il doit être disponible dans la solution du sol pour que les plantes puissent l’absorber. Bien qu’il y ait très peu de P dans la solution du sol à tout moment, la plupart des sols en contiennent beaucoup; cependant, la majeure partie du P du sol est liée à la matière organique ou aux minéraux. La solution du sol est réapprovisionnée avec le P résiduel une fois que les racines des plantes ont prélevé le P disponible. Les microorganismes du sol transforment, par un processus de minéralisation, le P organique présent dans les résidus végétaux et la matière organique en P disponible pour les plantes. La solution du sol peut également être réapprovisionnée à partir du P inorganique (minéral) par les processus d’altération et de désorption. Le taux de remplacement, qui détermine la disponibilité du P, est lié aux concentrations de P dans le sol, à sa fixation par les particules de sol et au pH du sol. Il faut parfois des mois ou des années pour que le P fixé devienne disponible pour les plantes.

La disponibilité du P pour les végétaux est optimisée quand le pH du sol est maintenu entre 6,0 et 7,0. Lorsque le pH du sol est inférieur à 6,0 (sol acide), davantage de fer et d’aluminium sont disponibles pour former des composés phosphatés insolubles que les plantes ne peuvent absorber. Par conséquent, le chaulage des sols acides peut améliorer la disponibilité du P. Lorsque le pH du sol est supérieur à 7,0, le P peut également réagir avec le calcium pour former des composés phosphatés insolubles dans le sol.

Les engrais phosphatés contiennent généralement des formes solubles de P qui sont immédiatement disponibles pour les plantes. Cependant, le P soluble dans le sol peut réagir très rapidement avec les minéraux du sol et se fixer en composés insolubles, devenant ainsi moins disponible pour les plantes. En général, seulement 20 % environ du P appliqué est disponible pour les plantes au cours de la première année. Le P prélevé par une culture de maïs provient des engrais et du fumier récemment appliqués ainsi que des matières appliquées les années précédentes et du P résiduel dans le sol.

Absorption du phosphore par la culture

L’absorption du P par le maïs dépend de sa disponibilité dans la solution du sol et de la capacité de la culture à l’absorber. La capacité du maïs à absorber le P dépend largement de la distribution de ses racines par rapport à la localisation du P dans le sol. Comme le P est immobile dans le sol, les racines du maïs doivent se développer pour obtenir le P dont le plant a besoin. En raison des processus de fixation, le P se déplace très peu dans la plupart des sols et demeure près de son lieu d’origine. Ce P résiduel fixé demeure dans le sol et est lentement rendu disponible pour les prochaines cultures. Les plantules de maïs peuvent souffrir d’une carence en P, même dans des sols où la teneur en P disponible est élevée, car elles ne disposent que d’un système racinaire limité qui risque de se développer lentement dans les conditions froides et humides du début de saison. Toute situation qui limite la croissance des racines, comme le compactage du sol, les dommages causés par les herbicides ou les insectes, peut réduire la capacité des plantes à absorber suffisamment de P.

Le rythme d’absorption du P par le maïs est constant durant la saison de croissance. L’absence de P au début de la croissance des plants de maïs peut limiter la production de la culture et causer une restriction de la croissance dont la culture pourrait ne pas se remettre. Le rendement en grain du maïs de grande culture peut être réduit en raison d’une limitation de l’apport en P entre le semis et le stade 6 feuilles. Une carence en P en début de saison peut limiter le potentiel de rendement. Cependant, la moitié de la quantité totale de P est absorbée après la floraison du maïs, et une partie du rendement peut être perdue si le P est insuffisant pendant la période de remplissage du grain.

Carence en phosphore dans le maïs

Dans le maïs, une carence en P ne produit généralement pas de symptômes évidents, si ce n’est un rabougrissement général du plant au début de sa croissance. Cependant, les jeunes plants peuvent prendre une couleur violette en cas de stress grave dû à une carence en P (figure 1). Le degré de coloration violette peut être influencé par la constitution génétique du plant, certains produits de maïs présentant une décoloration beaucoup plus importante que d’autres. Ces symptômes peuvent également être confondus avec d’autres facteurs de stress tels que le compactage du sol ou les dommages dus aux herbicides. En outre, la coloration violette peut également être causée par l’accumulation d’un pigment violet, l’anthocyane. Ce phénomène peut à tort être associé à une carence en P. Bien que le mécanisme ne soit pas encore compris totalement, les plants de maïs aux stades de croissance V3 à V6 peuvent prendre une coloration violette à la suite de journées ensoleillées suivies de nuits fraîches (4 à 10 °C). Le P est très mobile dans le plant et, en cas de carence, il peut être transféré des tissus végétaux âgés aux jeunes zones en croissance active. À mesure que le plant mûrit, le P est transféré par translocation vers les tissus reproducteurs du maïs, où de grandes quantités d’énergie sont nécessaires pour la formation des grains. Une carence en P à la fin de la saison de croissance peut nuire à la fois au développement des grains et à la maturation normale de la culture.

Carence en P chez un plant de maïs
Figure 1. Carence en P chez un plant de maïs dont les feuilles inférieures et la tige présentent une coloration violette ou rougeâtre. Les feuilles les plus anciennes sont touchées avant les plus jeunes. Le phénomène est associé à une accumulation de sucres dans les plants carencés en P, en particulier pendant les périodes de temps frais.

Mesures de gestion

L’analyse de sol est l’outil le plus utile dans la gestion du P, car elle peut révéler la teneur en P et le pH du sol, et aider à déterminer la quantité de P nécessaire à appliquer pour la culture de maïs. Les recommandations en matière d’engrais tiendront compte de l’absorption et du prélèvement de P par la culture. Chaque tonne métrique de maïs prélève environ 7 kg (0,4 lb/boisseau) de P2O5 (oxyde de phosphore). Dans le cas du maïs à ensilage, chaque tonne métrique en prélève entre 4,6 et 6,8 kg (9,2 et 13,6 lb/tonne courte)2. Le maïs coupé pour l’ensilage élimine beaucoup plus de P2O5 du champ puisque la majorité des tissus aériens sont récoltés. Il est important d’appliquer les engrais d’après les valeurs des analyses de sol et d’ajouter la quantité de P nécessaire selon l’utilisation finale de la culture de maïs.

En raison de l’immobilité du P et de sa fixation dans le sol, l’endroit où l’engrais phosphaté est appliqué peut influencer sa disponibilité pour les plants. Les engrais phosphatés peuvent être appliqués à la volée ou en bandes concentrées. L’application à la volée et l’incorporation du P dans le sol peuvent maximiser la probabilité de contact des racines avec l’engrais. Toutefois, l’engrais est alors davantage en contact avec les surfaces absorbantes du sol, ce qui augmente la fixation du P. L’application de l’engrais en bandes concentrées peut diminuer le contact avec le sol, limitant ainsi le phénomène de fixation. Pendant les six semaines qui suivent le semis, et avant que les racines des plants de maïs n’atteignent le milieu des rangs, le P appliqué en bandes près des rangs de maïs est plus susceptible d’être absorbé par les plants que si la même quantité de P était appliquée à la volée sur toute la surface du sol. Diviser l’application de P entre l’épandage à la volée et l’épandage en bandes peut aider à maximiser les rendements du maïs.

Comme le P est relativement immobile dans le sol, il est principalement perdu par érosion du sol et ruissellement. La pollution par le P peut favoriser la croissance excessive des plantes et des algues dans l’eau, ce qui limite sérieusement l’utilisation de l’eau pour la boisson, l’industrie, la pêche ou les loisirs. Il est donc important de mettre en œuvre des pratiques de gestion qui diminuent l’érosion du sol et le ruissellement, à la fois pour la santé de l’environnement et pour maintenir une disponibilité maximale du P dans le sol pour les plantes.