Les insectes préoccupants dans le soya comprennent les ravageurs souterrains, les suceurs de sève et les défoliateurs1. Des visites de dépistage doivent être effectuées toute la saison pour repérer les dommages éventuels, et des mesures de lutte ne doivent être prises que si les seuils économiques sont atteints, afin de ne pas nuire aux insectes bénéfiques présents dans le champ. Les insectes de début de saison peuvent s’attaquer aux semences et aux plantules de soya, causant des dommages aux plantules, un rabougrissement des plants, un retard d'émergence ou une perte de peuplement.

Le dépistage est nécessaire pour déterminer les types d'insectes présents et la densité des populations et ainsi prendre des décisions de gestion éclairées. Les méthodes d'échantillonnage incluent le dépistage, la prise d’échantillons de sol et la pose de pièges appâtés.

Les principaux insectes qui peuvent causer des problèmes en début de saison dans le soya sont le ver fil-de-fer, la mouche des légumineuses (mouche des semis), la chrysomèle du haricot, les vers blancs, les punaises, les vers-gris et les sauterelles. Parmi ces insectes, les vers fil-de-fer et la mouche des légumineuses peuvent potentiellement être maîtrisés par un traitement de semences insecticide. Cependant, il est important d'effectuer un dépistage de ces deux insectes de mai à juin, soit au moment de la levée de la culture et juste après la levée2.

1. Vers fil-de-fer

Les vers fil-de-fer s’attaquent à divers hôtes, dont les oléagineux, le soya et d’autres (figure 1). Les vers fil-de-fer ont une forme élancée, mesurent de 1 à 2,5 cm (0,5 à 1,25 po) de long et possèdent un corps dur, jaunâtre à brunâtre. Ils vivent longtemps et peuvent passer de deux à plus de cinq ans à l'état larvaire. Aucun seuil économique n’a été établi pour les vers fil-de-fer. Le meilleur temps pour dépister ce ravageur est l'automne ou le printemps, lorsque la température du sol est tout juste supérieure à 10 °C, mais inférieure à 26 °C. Les appâts sont plus efficaces à environ 10 °C, car ils fermentent et libèrent du CO2 pour attirer les vers. Si la température du sol est plus élevée, les vers fil-de-fer peuvent être davantage attirés par d'autres végétaux présents dans le sol12.

Ver fil-de-fer dans le sol
Figure 1. Ver fil-de-fer dans le sol

Les vers fil-de-fer s’attaquent aux semences en germination et aux parties souterraines des tiges des jeunes plantules, ce qui nuit à la levée de la culture et se traduit par un peuplement clairsemé. Les larves migrent près de la surface du sol au début du printemps, puis s’enfoncent dans le sol quand la température augmente plus tard dans l'été.

La présence de plants flétris trahit celle de vers fil-de-fer qui rongent les tiges, mais peut également rappeler les dommages causés par les vers-gris. La différence est que, dans le cas des vers fil-de-fer, les tiges donnent l’impression d’avoir été déchiquetées, bien qu’elles demeurent généralement encore attachées aux racines, alors que les vers-gris coupent la tige. Les vers fil-de-fer peuvent finir par tuer les plants.

Évaluez les cultures de soya du semis jusqu’à V3 (mai à juin). Il est particulièrement important de surveiller les champs qui ont des antécédents d'infestation par le ver fil-de-fer, qui ont récemment été cultivés en pâturage ou dont le sol est de texture sableuse à limoneuse. Accordez une attention particulière aux zones de plants flétris ou de peuplement clairsemé. Creusez le sol dans les zones touchées pour évaluer les dommages causés aux semences en germination, aux parties souterraines des tiges des plantules et aux racines. Disposez au moins quatre pièges à appât au début du printemps pour évaluer la population de vers fil-de-fer.

2. Mouches des légumineuses (mouches des semis)

Les adultes émergent au début du printemps et sont actifs aux températures comprises entre 16 °C et 29 °C. Une fois accouplées, les mouches femelles recherchent un site de ponte, d'avril à la mi-juin. Les femelles sont attirées par les sols humides dégageant une odeur de matière organique en décomposition (résidus de culture, mauvaises herbes enfouies après un travail du sol en présemis, fumier solidifié frais ou sol fraîchement labouré). Les adultes pondent leurs œufs dans les crevasses des sols humides. Les larves pénètrent ensuite dans les semences en germination pour s’y nourrir; elles risquent ainsi de réduire les peuplements de soya. Le pic d'activité des adultes survient au début du printemps et à l'automne; les larves entrent en diapause estivale lorsque les températures sont supérieures à 29 °C12. Les larves de la mouche des légumineuses sont blanc jaunâtre, mesurent environ 0,63 cm (1/4 po) de long et n'ont pas de tête ni de pattes bien définies (figure 2).

Larve de la mouche des légumineuses.
Figure 2. Larve de la mouche des légumineuses.

Évaluez les cultures de soya du semis jusqu’au stade VE (mai à mi-juin). La mouche des légumineuses préfère les champs semés tôt, ceux dont le sol est froid, humide ou fraîchement travaillé, ceux dans lesquels de la matière végétale a été récemment incorporée ou sur lesquels du fumier a été épandu et, enfin, les sols de texture sableuse à limoneuse. Ces champs devraient faire l'objet d'un dépistage prioritaire.

Dès l’émergence de la culture, examinez soigneusement le champ pour repérer d’éventuels dommages. Visitez 10 zones du champ où la levée est faible et déterrez les semences et les plantules pour repérer des cicatrices et des galeries dans les structures végétales. Ouvrez les semences et la tige des plantules suspectes pour confirmer la présence de larves de la mouche des légumineuses12.

3. Vers-gris

Les vers-gris s’attaquent à une vaste gamme d'hôtes. Ils ont le dos rouge, sont ternes, ont les flancs sombres et on les retrouve surtout au Manitoba (figure 3). Ces vers percent des trous dans les feuilles, creusent les bords des cotylédons ou des feuilles et coupent les plants. Les infestations sont imprévisibles et peu fréquentes. L'utilisation d'insecticides peut être justifiée lorsque les larves mesurent moins de 1,91 cm (3/4 po) de long et que plus de 20 % des plants sont endommagés ou manquants4.

Ver-gris noir
Figure 3. Ver-gris noir. Photo gracieusement offerte par Roger Schmidt, University of Wisconsin-Madison, Bugwood.org.

Dès l’émergence du soya, effectuez une visite de dépistage chaque cinq jours jusqu'au stade V5. Évaluez les champs de soya sur une base hebdomadaire de mai à juin. Inspectez les zones présentant des plants flétris, jaunes ou manquants. Dans le guide agronomique de l'Ontario, on suggère de visiter au moins cinq zones par parcelle de 10 hectares (25 acres), surtout là où les mauvaises herbes étaient abondantes avant le travail du sol ou le semis. Les premiers signes de dommages sont des trous d'épingle percés dans les feuilles par les jeunes larves qui grimpent le long des tiges. Cherchez également les plants flétris, défoliés ou coupés au ras du sol12. Creusez autour des plants endommagés jusqu'à une profondeur de 5 cm (2 po) et fouillez le sol, car les vers-gris aiment se cacher sous la surface pendant la journée. Notez la taille des vers-gris trouvés et le stade foliaire de la culture.

4. Pucerons du soya

Le puceron du soya, originaire d'Asie, a été observé pour la première fois en Amérique du Nord en 2000 et en Ontario en 200112. Le puceron du soya survit à l'hiver au stade de l'œuf et peut passer la saison froide sur un plant de nerprun (Rhamnus spp.). Le puceron du soya est un très petit insecte (moins de 0,42 cm ou 1/16 po de long), à corps mou en forme de poire et à cornicules noires à l'arrière de l'abdomen (figure 4). Sa couleur varie du jaune pâle au vert clair. L’activité des pucerons en début de saison peut entraîner un rabougrissement des plants et une diminution du nombre de nœuds sur chacun, une situation susceptible de limiter nombre de gousses5.

Pucerons du soya sur le revers d’une feuille
Figure 4. Pucerons du soya sur le revers d’une feuille.

Aucun seuil n’a encore été établi pour les infestations survenant avant les derniers stades de croissance végétative, mais des insecticides peuvent être nécessaires si 80 % des plants sont infestés par plus de 250 pucerons par plant6,7.

Les coccinelles, les chrysopes et les larves de syrphes sont au nombre des prédateurs courants et facilement reconnaissables des pucerons dans le soya. Au moment de l'évaluation des champs de soya, il convient de déterminer si les populations de pucerons sont en augmentation ou en diminution, ainsi que le nombre d'ennemis naturels présents.

5. Vers blancs

Les larves de hanneton européen et de hanneton commun sont les vers blancs (asticots) qui posent le plus souvent problème dans les grandes cultures de l'Ontario, bien que les larves du scarabée japonais puissent également causer des dommages. Il est important de bien identifier les espèces de vers blancs présentes dans chaque champ, car leurs cycles de vie sont différents, ce qui influence les stratégies de lutte à appliquer12. Les vers blancs peuvent endommager les semis de soya, surtout lorsque le soya suit une production de gazon ou d’une autre culture de couverture. Les vers blancs se nourrissent de racines, ce qui entraîne des peuplements clairsemés, une diminution de la vigueur des plantules et la mort de plants émergés. La taille des vers blancs varie de 0,64 cm (1/4 po) à plus de 2,5 cm (1 po) de long et leur corps est blanc avec une tête de couleur beige à brune (figure 5).

On distingue les espèces de vers blancs les unes des autres par le motif des soies (sorte de poils) de l’écusson anal à l'extrémité de l'abdomen. Les pièges à appât n'attirent pas les vers blancs, contrairement aux vers fil-de-fer. L'automne est la meilleure période pour le dépistage des vers blancs, bien qu'un dépistage au printemps avant ou après le semis soit également possible12. Il n'y a pas de seuil économique établi pour ces ravageurs; cependant, pour respecter la restriction imposée par le gouvernement concernant l'utilisation des néonicotinoïdes, il faut observer un minimum de 10 vers blancs (ou deux par site de fouille) par 100 acres8.

Ver blanc dans le sol
Figure 5. Ver blanc dans le sol. Photo gracieusement offerte par Alton N. Sparks, Jr., University of Georgia, Bugwood.org.

6. Chrysomèles du haricot

En règle générale, la défoliation du soya causée par la chrysomèle du haricot adulte est négligeable en Ontario. Les dommages aux plantules (stades V1 à V2) de soya par les adultes hivernants sont l’exception. En cas de lourdes infestations, il arrive que les cotylédons et les plantules soient coupés. Lorsque les feuilles apparaissent, l’insecte perce de petits trous circulaires entre les nervures principales des folioles. Les larves se nourrissent de racines et de nodosités, mais ne causent pas de dommages économiques. Après l’hivernation, les adultes s’en prennent aux champs de soya ensemencés tôt, surtout dans les comtés les plus au sud de l’Ontario. Les champs de soya voisins d’un champ de luzerne ou d’autres légumineuses sont également à risque. Ce risque est plus élevé après un hiver doux.

Chrysomèle du haricot qui s’alimente sur une feuille de soya
Figure 6. Chrysomèle du haricot qui s’alimente sur une feuille de soya

Choisissez au hasard au moins cinq sites d'échantillonnage dans l'ensemble du champ. À chaque site d'échantillonnage, marchez lentement sur 4,5 à 6 mètres (15 à 20 pieds) de rang et comptez soigneusement toutes les chrysomèles. Les chrysomèles ont tendance à se laisser tomber au sol pour se cacher dans les fissures. Calculez le nombre moyen de chrysomèles par mètre (pied) de rang.

Tableau 1. Recommandations de traitement et seuils d’intervention contre les insectes ravageurs du soya en début de saison.

Insectes ravageurs du soya en début de saison Options de traitement et seuils d’intervention
Bean Leaf Beetle Traitement préventif (traitements de semences). Envisagez les traitements insecticides à compter de 5 chrysomèles par plant ou 1 plant endommagé par 0,3 m (1 pi) de rang; ou 30 % de perte de peuplement ou 30 % de défoliation11.
Des traitements insecticides ciblés à l’arrivée de la 1re génération de chrysomèle peuvent être utilisés pour éviter le plus possible la transmission du virus de la marbrure des gousses du haricot6.
Ver fil-de-fer Prise d’échantillons de sol ou pose de pièges appâtés dans les champs suspects. Un seul ver fil-de-fer par piège appâté ou par pied cube (~28 L) de sol est potentiellement suffisant pour causer des problèmes. Traitement préventif (traitements de semences homologués contre les vers fil-de-fer) ou réensemencement avec une autre culture9.
Ver blanc Prise d’échantillons de sol dans les champs suspects. Deux vers blancs par pied cube (~28 L) de sol sont potentiellement suffisants pour causer des problèmes. Traitement préventif (traitements de semences homologués contre les vers blancs) ou réensemencement9.
Mouche des légumineuses Traitement préventif (traitements de semences homologués contre la mouche des légumineuses) ou réensemencement2.
Puceron du soya Traitement préventif (traitements de semences). Aucun seuil n’a encore été établi pour les infestations survenant avant les derniers stades de croissance végétative, mais des insecticides peuvent être nécessaires si 80 % des plants sont infestés par plus de 250 pucerons par plant6,10.
Ver-gris et légionnaire Les infestations sont imprévisibles et peu fréquentes. L'utilisation d'insecticides peut être justifiée lorsque les larves mesurent moins de 1,91 cm (3/4 po) de long et que plus de 20 % des plants sont endommagés ou manquants4.