Les producteurs de canola de l'Ouest canadien doivent être conscients de la menace que représente la pourriture à sclérotes, également appelée sclérotiniose ou moisissure blanche, pour leurs cultures. Il s'agit de la maladie la plus destructrice du canola dans les Prairies et celle qui nuit le plus au potentiel de rendement. Lorsque les conditions sont favorables à la maladie, les pertes de rendement peuvent dépasser 50 % dans certains champs, et 10 à 15 % pour l’ensemble d’une région. En 2016, la pourriture à sclérotes a sévi dans tout l'Ouest canadien, infectant plus de 90 % des champs et causant des pertes de rendement de 7 à 15 %1,2.

Combattre la pourriture à sclérotes peut être un véritable défi à relever car le système de la maladie est complexe. L’évolution de la maladie est fortement influencée par les conditions environnementales, en particulier l'humidité, et favorisée par les stratégies de production qui visent un rendement élevé avec des peuplements denses. En outre, l'agent pathogène peut survivre et rester viable dans le sol pendant cinq ans ou plus. L'agent pathogène infecte également plus de 400 espèces végétales en plus du canola, y compris de nombreuses plantes cultivées dans l'Ouest canadien comme le tournesol, les haricots, les lentilles, les pois et la moutarde, ainsi que des mauvaises herbes à feuilles larges communes, telles que la bourse-à-pasteur, les chardons, le tabouret des champs, la stellaire moyenne, l'ortie royale, la fausse herbe à poux, le crépis des toits et d'autres2,3. L'abondance des plantes hôtes dans l'Ouest canadien augmente la probabilité d’y rencontrer la maladie.

La gestion de la pourriture à sclérotes repose sur une compréhension des aspects clés du système de la maladie. Comprendre la maladie et son évolution permet de prendre des décisions efficaces en fonction des outils de gestion disponibles.

Biologie de l’agent pathogène et cycle de la maladie

La pourriture à sclérotes est causée par le champignon pathogène Sclerotinia sclerotiorum (Lib.) de Bary. Le champignon vit à la fois sur et dans les plants de canola infectés sous la forme d'un mycélium blanc et duveteux qui produit éventuellement des masses noires et denses de structures cellulaires fongiques appelées sclérotes (figure 1B, C). Ces sclérotes tombent sur le sol pendant la récolte et permettent au champignon de survivre à l'hiver et de demeurer viable dans le sol pendant cinq ans ou plus en l'absence de plante hôte2. Ce mécanisme de survie à long terme est l'une des raisons pour lesquelles la pourriture à sclérotes peut être un problème persistant pour les producteurs.

Les sclérotes présents dans le sol infectent les plants de canola durant l’été. En général, les sclérotes germent pour produire des structures de fructification semblables à des champignons, appelées apothécies, qui peuvent atteindre la surface du sol. Pendant les longues périodes de conditions humides du sol (10 jours ou plus au-dessus du point de flétrissement) et de températures modérées à chaudes (15 à 25 ºC), les apothécies se développent et produisent des millions d'ascospores qui sont ensuite emportées par le vent vers les parties aériennes des plants de canola qu’elles pourront infecter.2

Les ascospores n'infectent pas directement les feuilles et les tiges. Elles infectent d'abord les fleurs, les pétales tombés ou même le pollen déposé sur les tiges et les feuilles. Les pétales de fleurs qui se logent à l'aisselle des feuilles sur les tiges sont souvent les sites de l'infection initiale. Ces structures végétales fournissent les sources de nutriments nécessaires aux spores du champignon pour germer, croître et finalement envahir le plant. L’infection par les ascospores requiert la présence d’eau sur les surfaces des plants et une humidité de 100 %4. Dans presque tous les cas, les ascospores sont à l’origine de l’infection par Sclerotinia. Il est possible, mais rare, que les sclérotes produisent du mycélium susceptible d’infecter les plants directement, en particulier par les racines.5

Une fois l'infection installée, les tissus du plant meurent, formant des lésions nécrotiques. L’infection peut se propager à partir des feuilles et des tiges au fur et à mesure que le mycélium du champignon se développe dans la plante. Vers la fin de la saison de croissance, de nouveaux sclérotes se forment à l'intérieur des tiges mortes, tombent au sol pendant la récolte, et le cycle de la maladie se répète.

Cycle vital de S. sclerotiorum et symptômes de l’infection dans le canola
Figure 1. Cycle vital de S. sclerotiorum et symptômes de l’infection dans le canola. Crédit photo : Xuehua Zhang, scientifique principal, protection des végétaux, Bayer Crop Science.

Période de vulnérabilité à la maladie et conditions environnementales

L'infection primaire se produit pendant la floraison, bien que, dans l'Ouest canadien, les apothécies puissent apparaître dès le mois de juin et continuer à se développer jusqu'à la fin de septembre2. Le stade critique auquel la maladie risque de causer le plus de dommages se situe entre le début de la floraison et la pleine floraison. Les apothécies apparaissent rarement avant que les plants n’atteignent le stade des bourgeons, et l'infection ne se développe pas souvent avant le milieu de la floraison. Un temps favorable à la croissance du canola est aussi un temps favorable à l'infection initiale par l’agent pathogène et au développement de la maladie. Les conditions environnementales propices à la germination des sclérotes, à la production d'ascospores et au développement de l'agent pathogène sont les suivantes2,4:

  • 2,5 à 5 cm de pluie ou d'irrigation une à deux semaines avant la floraison.
  • Longue période d’humidité dans le sol (10 jours ou plus au-dessus du point de flétrissement).
  • Températures de 15 à 25 ºC.

Ces conditions se produisent lorsque le couvert végétal se referme, créant de l'ombre au sol. Des conditions humides et des températures comprises entre 20 et 25 ºC sont idéales pour le développement des lésions après l'infection initiale. Bien que l'infection et le développement des lésions ralentissent ou s'arrêtent si les conditions deviennent plus sèches et plus chaudes (l'infection ne se produit pas à plus de 30 ºC), la progression de la maladie peut reprendre avec le retour de conditions favorables2.

Identifier la maladie dans le champ

La pourriture à sclérotes se développe tard dans la saison de croissance, les premiers symptômes visuels se manifestent à la fin de la floraison. Si elle apparaît pendant la floraison et que les conditions environnementales sont propices, la maladie risque fort de se développer davantage4.

Dans les deux à trois semaines suivant l'infection initiale sur les pétales de fleurs mortes, les lésions apparaissent sous forme de taches aqueuses ou de zones de décoloration brune à grise sur les feuilles et les tiges, en particulier autour des aisselles des feuilles (figure 1F). Quand l'infection se répand sur les tiges, les lésions s'agrandissent et prennent une couleur gris-blanc. De pâles motifs concentriques peuvent également apparaître sur les plus grandes lésions (figure 1F)2. Au fur et à mesure que les lésions s’étendent, des anneaux se forment autour de certaines tiges, ce qui entraîne le flétrissement et la maturation prématurée des plants. Si l’infection se poursuit, les tiges blanchissent et ont tendance à devenir friables (figure 1A). Le plant peut mourir prématurément, et il arrive souvent que les plants gravement infectés versent et s’égrènent à l'andainage. Certains signes caractéristiques et identifiables sont associés au développement de la maladie :

  • Lésions nécrotiques brunes ou décolorées apparaissant autour des sites de pénétration et se propageant à d'autres parties du plant.
  • Mycélium cotonneux blanc du champignon à l'intérieur et à l'extérieur des tiges infectées.
  • Sclérotes noirs et durs sur la surface extérieure des tissus malades, mais pouvant également être observés à l'intérieur des tissus infectés (figure 1B, C).
  • Sclérotes petits et ovales, semblables à des grains de canola, ou plus grands et de forme irrégulière (jusqu'à 2 cm ou 0,8 pouce de long)2.

Aspects importants de la lutte contre la maladie

La plupart des cultivars de canola sont sensibles à la pourriture à sclérotes, bien qu’à des degrés variables, lorsque les conditions environnementales sont favorables. Par conséquent, il est essentiel de prendre les bonnes décisions de gestion à différents stades du développement de la culture pour réduire au maximum les risques d'infection. Une gestion efficace s’appuie sur l’application de diverses stratégies intégrées. Certaines pratiques de gestion peuvent tout particulièrement influencer le développement de la maladie, notamment la lutte chimique (fongicides), l’utilisation d’hôtes résistants et la rotation des cultures.

Fongicides : Les fongicides foliaires constituent une option efficace pour la gestion de la pourriture à sclérotes dans le canola lorsque le risque d’apparition de la maladie est élevé. Comme l'incidence et le développement de la maladie dépendent beaucoup des conditions environnementales autour de la floraison, le moment et la méthode d'application du fongicide sont critiques. Le dépistage est nécessaire pour évaluer les conditions propices à la maladie. Si le champ présente des antécédents de pourriture à sclérotes et que les conditions sont humides pendant les deux semaines précédant la floraison, appliquez un fongicide foliaire entre 20 % et 50 % de floraison, idéalement à 30 % de floraison2,6. Il est important que le fongicide couvre autant de pétales que possible et pénètre dans la canopée pour protéger les aisselles et les bases des feuilles d'une éventuelle infection. Pour couvrir adéquatement les pétales des fleurs, il faut envisager des volumes d'eau élevés. Selon des recherches menées par Agriculture et Agroalimentaire Canada, les buses à jet plat classiques, les buses à venturi à faible dérive et les buses à jet en cône creux ont permis de réduire efficacement la sévérité de la maladie2.

Consultez les guides de protection des cultures de votre province pour obtenir la liste complète des fongicides homologués. Consultez toujours les spécialistes en production végétale et suivez les recommandations de l'étiquette des fongicides.

Résistance de l'hôte: Il existe au Canada des produits de canola qui tolèrent la pourriture à sclérotes, mais aucun n’y est totalement résistant. Dans les essais, ces produits ont été touchés moins gravement par la maladie, puisqu’ils ont présenté moins de lésions sur les tiges et les autres parties du plant2. Les risques de verse et d’infection grave sont moindres avec les produits qui présentent des tiges solides et une tendance plus marquée à la ramification6. Dans une situation de risque d'infection grave, une application de fongicide peut encore être une bonne décision.

Pour obtenir de l’information sur la tolérance et la sélection des produits, consultez le protocole élaboré par Dr Lone Buchwaldt et le sous-comité des pathologies du comité de recommandations du canola/colza de l’Ouest du Canada :

https://www.canolacouncil.org/download/133/research/4945/CanolaResearchHub_WCC-RRC_2016_Buchwaldt

Rotation des cultures : La rotation avec des cultures non hôtes (monocotylédones comme le blé, le maïs, l'orge ou l'herbe) réduit le nombre de sclérotes dans le sol. Comme les sclérotes restent viables pendant de longues périodes, une rotation d'au moins trois ans est nécessaire avec une culture non hôte2,4,6,7.

D'autres pratiques de gestion peuvent influencer le degré d'infection et la vitesse de propagation de la maladie :

  • Semis et espacement des rangs : Les interventions sur certaines pratiques, telles que le choix du champ, le taux de semis, l'espacement des rangs, les engrais azotés et le choix de produits de canola visant une baisse de l'humidité dans le couvert végétal, peuvent réduire l'incidence et la gravité de la pourriture à sclérotes2,5,6.
  • Contrôle de l'irrigation : Éviter les conditions qui génèrent de l'humidité sur les feuilles pendant plus de 12 à 24 heures ou pendant les périodes de forte humidité, surtout pendant la floraison, peut réduire la menace et les conséquences de la pourriture à sclérotes4,5,6.
  • Désherbage : De nombreuses mauvaises herbes à feuilles larges communes sont des hôtes pour S. sclerotiorum et peuvent servir de sources d'inoculum d’agents pathogènes pour le canola. Par conséquent, la lutte contre les mauvaises herbes est très importante pour éviter le plus possible la maladie5.
  • Travail du sol : L'effet du travail du sol sur la gestion de la pourriture à sclérotes n'est pas clair. Un travail profond du sol peut empêcher la germination des apothécies, mais les sclérotes enfouis profondément survivent bien et risquent d’être ramenés à la surface ou dispersés dans les champs à la suite des opérations de travail du sol subséquentes5,7.
  • Récolte : À l'andainage, la pourriture à sclérotes peut faire perdre jusqu'à un tiers de la récolte et entraîner un déclassement du canola en raison de la présence de sclérotes dans les échantillons de grain2. En outre, l’andainage favorise le développement des sclérotes et peut permettre à l'agent pathogène de demeurer dans le champ après la récolte. Si la météo annonce de fortes pluies et que la maladie est présente dans le champ, évitez d’andainer2.
  • Lutte biologique : Les producteurs de canola canadiens ont accès à des produits biologiques qui peuvent aider à retarder le développement de la maladie. Ces produits peuvent être incorporés à un programme de pulvérisations qui comprend un fongicide classique2.